Cette question, la communauté internationale se la pose
depuis des semaines sans recevoir de réponse. Et ce qui se passe actuellement au
Nigeria, cet autre géant du continent, amplifie les inquiétudes qu'elle nourrit
à juste titre non seulement pour la République démocratique du Congo (RDC) mais
aussi pour l'ensemble de l'Afrique centrale dont le destin dépend pour une large
part de ce qui se passera à Kinshasa dans les semaines et les mois à venir.
Que les scrutins présidentiel et législatif de la fin de l'année dernière
aient été entachés d'irrégularités flagrantes ne fait guère de doute. Dénoncées
par les observateurs internationaux, détaillées par la presse nationale,
confirmées par les plus hautes autorités de l'Eglise catholique dont 30 000
représentants étaient déployés au sein des bureaux de vote, ces irrégularités
sont indiscutables. Elles sapent la crédibilité des deux scrutins, font planer
le plus grand doute sur les résultats annoncés, fragilisent dangereusement les
autorités qui organisèrent cette consultation populaire.
Rien, cependant, ne serait plus dangereux que de tirer de ce qui précède la
conclusion que les dirigeants actuels de la RDC doivent plier bagage et se
retirer de la scène politique en reconnaissant publiquement leurs erreurs. Le
Congo démocratique est une nation fragile dont l'unité est loin, bien loin,
d'être faite. S'il a pu, durant le règne du Maréchal Mobutu, donner l'illusion
qu'il était devenu un pays uni, organisé, géré depuis une capitale stable, les
évènements se sont ensuite chargés de démontrer qu'il n'en était rien et que son
accession à l'indépendance n'avait en fait résolu aucun problème. C'est la
raison pour laquelle il convient de ne pas accabler ceux qui dirigent
aujourd'hui le pays et qui viennent probablement, même s'ils ne le reconnaissent
pas, d'être désavoués par leur peuple ou plus exactement leurs peuples.
Dans un pareil contexte, chacun sait qu'à tout instant la RDC peut sombrer
dans l'anarchie, la guerre civile, la violence la plus extrême ; avec, pour
l'ensemble de l'Afrique centrale, la République du Congo en premier lieu, des
conséquences sociales et économiques qui pourraient vite devenir dramatiques.
Aussi convient-il de réfléchir sérieusement au problème, puis d'agir rapidement
afin d'éviter le bain de sang que des décisions mal conçues pourraient
déclencher en quelques heures.
Qu'il soit permis au simple observateur que nous sommes d'énoncer l'idée
selon laquelle seul un dialogue ouvert entre les protagonistes du drame qui se
prépare permettra d'éviter le pire. Le nombre de parties prenantes étant réduit
- trois personnalités, trois ou quatre grandes formations politiques - et la
communauté internationale ayant enfin pris conscience de la gravité de la
situation, un tel dialogue est possible. Mais il ne peut s'instaurer que si les
sages, les anciens de la région se décident à intervenir de façon discrète afin
d'en faciliter l'instauration.
Plutôt donc que de se mêler de ce qui ne les regarde pas même s'ils ont de
façon évidente des intérêts économiques lourds dans la région, l'Europe, les
États-Unis, la Chine, l'Angola, l'Afrique du Sud feraient bien de jeter tout
leur poids dans la balance afin de convaincre les plus hauts responsables de la
RDC d'ouvrir un tel dialogue. Soutenue par l'Organisation des Nations unies et
l'Union africaine, une telle initiative permettrait sans aucun doute la tenue
d'un débat dont dépend la paix sur toute l'étendue du Bassin du Congo et qui
concerne, par conséquent, près de deux cents millions d'êtres humains.
Est-il besoin d'ajouter que le Congo, le nôtre cela va de soi, pourrait dans
cette affaire jouer un rôle aussi essentiel que celui qu'il joua jadis en faveur
de la Namibie et de l'Afrique du Sud ? Ayant su mettre fin aux guerres civiles
qui le détruisaient, il sait mieux que personne que la concorde nait rarement de
la confrontation mais, en revanche, toujours du dialogue. Mieux vaudrait donc
l'écouter, le solliciter, avant qu'il ne soit trop tard de l'autre côté du
fleuve.
Jean-Paul Pigasse
Par Jrang An@go.
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