De mémoire d'anciens, jamais saison n'avait été aussi
peu fidèle. Dans une région à vocation agricole, les paysans scrutent sans cesse
le ciel et s'interrogent
Le manque de pluie alimente toutes les conversations dans la
Vallée du Niari. Depuis le 15 décembre, il n'est tombé qu'une seule averse,
inégalement répartie dans les trois départements du Niari, de la Bouenza et de
la Lékoumou. Le plus inquiétant est que ce qui est généralement présenté comme
la petite saison sèche traditionnelle, est arrivé plus tôt que prévu. Elle a
même tendance à se faire plus sévère que de raison. C'est en effet entre fin
janvier et fin février que cette saison intermédiaire intervient, quand les
agriculteurs ont fini de rentrer l'arachide et d'écouler le maïs sur les marchés
ou de l'égrener. Rien de cela cette année, et aucune explication ne convainc les
paysans qui n'hésitent plus à formuler leurs propres hypothèses, toutes aussi
abracadabrantes les unes que les autres.
Entre ceux qui, à Dolisie, avancent l'hypothèse de génies du
Mayombe dérangés par la « trouée » de la route Pointe-Noire-Brazzaville ; ceux
pour qui trop d'insouciance des populations ne pouvait conduire qu'à la colère
des ancêtres mécontents, la thèse des bouleversements climatiques ne réussit à
convaincre... que les convaincus ! Bouleversement ? Ce n'est pas la première
fois que des changements climatiques interviennent dans le monde. Donc, à
situation exceptionnelle, il faut trouver des explications elles-mêmes
exceptionnelles. De Makabana à Zanaga, de Sibiti à Madingou, les propos qui
reviennent dans les conversations, résument la gravité de la situation et font
invariablement intervenir des facteurs immanents.
Des cultures qui sèchent sur pied
Les premiers effets de cette sécheresse sont visibles dans les
villes non bitumées de toute la Vallée. À Madingou, à Komono, à Sibiti : la
poussière soulevée par les véhicules qui commencent à se multiplier dans la
région, du fait de la modernisation des routes, devient le lot des riverains
obligés de se calfeutrer. Même une ville comme Nkayi, sortie de cette catégorie
par les effets de la municipalisation accélérée, n'est plus que poussière sur
les toits et sur les arbres. Des tombereaux de nuages malodorants et qui font
tousser, sont soulevés au passage des taxis. Ceux-ci sont obligés de rouler
vitres montées même dans l'étouffante chaleur caractéristique de la capitale du
sucre.
Mais ceci n'est sans doute pas le plus grave. Dans une vallée
fortement agricole, et dont la vie est rythmée par les deux saisons en
alternance, c'est en effet sur les cultures d'abord que les effets de cette
anomalie des saisons porte le plus ses effets. Le mois de février est
traditionnellement celui de la récolte de l'arachide. Or, faute de pluies,
celle-ci, plantée en novembre, a bien commencé par pousser et fleurir mais elle
a fini par se flétrir. Sous terre, les gousses n'ont pas eu le temps de se
former, de se gonfler d'eau et de s'affermir. Conséquence visible, un pied
d'arachide ne rapporte pas plus de quatre à cinq grains fermes dans les zones de
culture : une vraie ruine pour les paysans.
Même le maïs, qui a pu bénéficier des pluies abondantes de
début décembre, n'a confirmé les espérances d'une bonne récolte que dans les
terres imbibées naguère par des ruisseaux aujourd'hui taris ou dans les vallons
en forme de caissons, qui ont retenu un peu d'humidité. Or la Vallée du Niari,
ainsi que son nom l'indique, est d'abord une vallée. Vastes étendues de terres
planes de Kiossi jusqu'à Bouansa ; terres fertiles et prometteuses pour peu
qu'elles soient arrosées. À la Mouindi, où de bonnes perspectives de récolte de
maïs ont été annoncées, des motopompes ont dû entrer en action pour pallier le
déficit hydrique général.
Si les récoltes attendues pourraient ne pas confirmer les
espoirs des paysans, ceux-ci sont encore plus inquiets pour le futur. La Vallée
du Niari s'est, en effet, mise à l'agriculture mécanisée. De Mouyonzi à Dolisie,
en passant par Loudima et jusqu'aux abords des plantations de canne à sucre de
Nkayi, des tracteurs attendent le feu vert des paysans pour entamer le deuxième
labour qui en est à la phase dite de la pulvérisation. Or celle-ci, qui consiste
à briser mécaniquement les mottes de terre laissées par un premier passage fin
décembre ou début janvier, ne peut bien se faire que si la terre est humide.
Sans pluie, les paysans craignent d'avoir à enfuir le grain dans de la
poussière. Le résultat sera, alors, encore plus catastrophique.
Sur les marchés, les effets de la sécheresse sont nets. La
banane plantain n'a fait son apparition que très tard ; elle est généralement
cultivée sur les bas fonds qui retiennent les eaux de ruissèlement. La patate
ainsi que la patate douce commencent à peine à se faire voir, tout comme
l'oignon et le piment. Cette rareté crée une légère inflation, car les vendeurs
en profitent pour améliorer leurs marges.
Lucien Mpama
Par Jrang An@go.
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