Dans son dernier ouvrage, Yasmina Khadra propose un
voyage au cœur d'une Afrique orientale aux prises avec ses douleurs, une
industrie de l'enlèvement sans précédent, dans un monde fait de violence, de
haine, mais aussi d'espoir porté par un peuple qui lutte sans cesse pour sa
survie
« Lorsque j'ai rencontré l'amour, je m'étais dit, ça y est,
je passe de l'existence à la vie et je m'étais promis de veiller à ce que ma
joie demeure à jamais. » C'est ainsi que s'ouvre L'Équation
africaine de Yasmina Khadra, dernier livre de la trilogie du « Grand
Malentendu », consacrée à notre époque défigurée par le choc des cultures et des
mentalités.
Et celui qui veut protéger son amour est Kurt Krausmann, un
médecin allemand marié à la belle Jessica depuis une dizaine d'années. « Dix
ans d'amour débridé, d'ébats torrentiels et de tendres complicités »
jusqu'à ce jour ordinaire où, de retour de son cabinet, Kurt découvre le corps
sans vie de son épouse. Comme une âme en peine voulant surmonter son chagrin, le
médecin accepte d'accompagner son ami Hans, un riche industriel et un humaniste
révéré, veuf lui aussi, aux Comores équiper un hôpital pour
nécessiteux.
Comme si le mauvais sort les poursuivait, arrivés au large des
côtes somaliennes les deux amis sont attaqués à bord de leur voilier par des
pirates. Pris en otages, ils vont vivre leur pire cauchemar dans un monde de
soif et d'insolation. Les conditions de détention sont à la limite de l'enfer.
La monstruosité de leurs ravisseurs enrage Kurt qui voit son deuil chamboulé par
une « bande de dégénérés lâchés dans la nature comme les germes virulents
d'une pandémie ». L'auteur décrit un monde où l'impunité règne en maître,
où les ravisseurs pratiquent des razzias dérisoires pour survivre.
Yasmina Khadra ausculte ici l'ampleur de ce phénomène
dramatique grandissant dans la corne de l'Afrique. Il y raconte comment Kurt et
son compagnon survivront, sur les dunes du désert sahélien, à la peur, au vide
et à l'attente, après avoir faussé compagnie à leurs ravisseurs ; la découverte
du cadavre de Hans, tué lors d'un accrochage entre un détachement de l'armée
régulière et les pirates ; puis leur rencontre avec un groupe médical de la
Croix-Rouge.
Il y a dans ces pages un principe qui relève de la sidération.
Celle d'un homme qui découvre sur le tard une réalité qui lui était complètement
étrangère. Celle du rescapé, de l'homme plongé au sein d'un environnement
géographique et psychologique qu'il ne comprend pas et de celui qui se rend
compte de la vulnérabilité du bonheur : « On s'aperçoit que l'on marchait
sur un fil en somnambule [...] Ce que l'on a bâti, ce que l'on comptait
conquérir, pfuit ! s'évanouit d'un claquement des doigts. »
Par Jrang An@go.
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